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Dialogue avec Slimane Raïs et Mélanie Perrier

Dans son dispositif Pour parler (1998, Annemasse) Slimane Raïs installa quant à lui dans l’espace d’exposition une cabine téléphonique reliée directement à son téléphone portable. Si bien que chaque visiteur qui décrochait avait le loisir d’entamer une conversation avec l’artiste, à tout moment et sur n’importe quelle question. Clairement annoncée par l’artiste comme l’œuvre elle-même, la teneur n’était pas dévoilée. Ce geste d’échange de parole ancrée à la conversation se distingue du dialogue « dont elle évite les embarras, les hésitations, fût-il aussi léger et taquin que celui de Socrate. » Pierre Sansot ajoute d’ailleurs :

« La conversation comme l’œuvre d’art, n’est asservie qu’à elle-même, qu’au plaisir de l’exercer. »

Simplement partager une histoire, ou se reconnaître dans celle de l’autre : c’est ce que laissa entendre Slimane Raïs lui-même lorsque nous lui avons demandé dans un entretien, la dimension de la parole et ce goût pour la conversation dans son travail :

« Les personnes qui participent à mes dispositifs (...) le font car je pense qu’ils ressentent le même besoin que moi de communier autour de quelque chose que nous avons en commun et ce, malgré la différence culturelle et sociale. Il y a quelque chose de rassurant dans l’idée de s’identifier à quelqu’un ou de se reconnaître dans l’histoire de quelqu’un. Mes propres projets émanent pour la plupart d’une expérience personnelle, singulière, que j’avais envie de partager et lui trouver écho dans l’expérience d’autrui : (calendrier intimes, les amours perdues, en faire une histoire, trésor public).

Est-ce à dire que ce « commun » se situe dans la parole partagée, ou est-ce que la parole partagée ensemble permet de dévoiler la puissance de vie de chacun ?

Slimane Raïs poursuivit : « La parole est un moyen pour échanger. Je suis très à l’aise dans mes rapports verbaux, cela vient sans doute de mes origines. Dans mon travail, les mots traduisent une émotion, un sentiment profond, parfois enfoui ou refoulé... Encore faut-il trouver les mots justes pour les traduire sans les réduire ou les amplifier. Sans tomber dans l’exercice de style, la forme de cette parole est importante, elle est spontanée, franche, juste et sincère. Quand j’écoute les gens, je reste très attentif à leurs expressions, les mots qu’ils emploient, les gestes de la main et de la tête et surtout leur regard qui en dit long. »