de Charlotte Coulombeau
Le philosophe populaire berlinois Johann Jakob Engel a amorcé, à la fin du XVIII siècle, des recherches importantes dans le domaine de la sémiotique esthétique, problématique alors presque entièrement neuve que venait de lancer le Laocoon de Lessing. A peine quelque années plus tard, l’œuvre de Engel constitue déjà un élargissement considérable de la problématique lessingienne, tout autant d’ailleurs qu’une remise en cause de certaines de ses prémisses : la sémiotique théâtrale ne peut-elle constituer une alternative à la scission sémiotique des « arts du temps » et des « arts de l’espace » ? Plus spécifiquement, l’analyse sémiotique du geste sera pour Engel l’occasion de dégager deux notions singulièrement opératoires : « peinture » et « expression » (Malerei, Ausdruck) qui seront transposables dans une sémiotique esthétique générale. En effet, elles permettent à Engel est de dégager analogies fortes entre musique, poétique, gestuel, pour s’acheminer vers une sémiotique comparée dont la perspective est entièrement neuve. On en retracera les ressorts essentiels en mettant en lumière le rôle intermédiaire important dévolu d’une part au modèle rhétorique de l’éloquence, d’autre part à la fonction métaphorique – moteurs de la transposition d’une sémiotique du langage à celle d’un « langage du geste ».