Station Service for contemporary dance est une initiative collective portée par des artistes et autres travailleurs culturels souhaitant rendre visible la production de savoir immanente à la danse dans des contextes culturels et sociaux plus larges. En d’autres termes, nous nous intéressons aux pratiques discursives développées par les artistes à travers leurs projets, leurs modes d’organisation, leurs actions politiques, leurs paroles et leurs textes.
Dans le cadre de « Special Issue », Station établit un laboratoire de recherche collaborative pour des danseurs, chorégraphes, curateurs et artistes visuels autour du concept de chorégraphie de l’attention.
Ce concept prend sa source dans la performance de la chorégraphe Dalija Acin et de l’artiste visuel Sinisa Ilic, « Exercise for Choreography of Attention : « Point of No Return » » réalisée sous la forme d’un livre. Le processus de travail qui a généré ce livre s’appuyait sur les défis réciproques posés par les matériaux entre eux ; images, textes et mouvements, idées curatoriales et positionnements politiques.
Ce processus se matérialise dans l’objet final, livre composé et mis en page, comme un outil qui chorégraphie l’attention des performeurs, qui sont aussi les membres du public.
“Dans cet exercice, l’attention est dirigée en premier lieu vers le livre, surface inattendue pour la participation à une situation théâtrale. Le livre, en l’occurrence un livre de travail, n’est pas le performeur ni un manuel d’instructions mais une sorte d’inducteur ou de régulateur de la performance. D’habitude, la lecture est un acte intime, individuel ; néanmoins le fait de lire le même livre rassemble les lecteurs (sans compter les énormes distances qui les séparent) en une forme de communauté. L’acte privé de consommer un livre devient un acte de communauté en public ; au théâtre.”
extrait de “A Few Points about Vežba iz koreografije pažnje
(An Exercise for Choreography of Attention),” Bojan Djordjev
L’idée de collaborer avec des artistes visuels, des curateurs et des écrivains sur des livres comme autant d’ « interfaces inattendues » pour une performance répond à la nécessité d’élargir les champs de contingence de la performance contemporaine et de ses pratiques discursives.
On peut aussi voir cette proposition comme une réaction aux politiques culturelles et de financement actuelles dans certains de nos pays, qui coupents le soutien aux productions artistiques indépendantes de façon dramatique. Dans ces situations, les artistes préfèrent allouer des budgets moindres à une recherche artistique de qualité et à la collaboration qu’investir dans des productions et évènements onéreux. Cette décision implique délibérément le public en tant que performeurs et se fait intervention politique au sein d’un modèle dominant de production et de distribution de produits (artistiques). Le dispositif détourné dans lequel les spectateurs prennent le rôle d’acteurs se veut aussi « soutien » ou contribution (volontaire) à la volonté des artistes de partager la connaissance et la réalisation même de la performance.
En ouvrant ce cadre lors d’un laboratoire sur la chorégraphie de l’attention, nous nous attacherons aux questions de l’auto-gestion, de la collaboration, de la chorégraphie et du temps en tant qu’outils interconnectés pour la production de discours dans le contexte spécifique de la performance contemporaine internationale. Nous souhaitons aussi souligner les aspects linguistique, sémantique et interactif de la danse et de la chorégraphie en les confrontant à des images et des textes, aux notions d’espace privé et d’espace public, d’auteur et de propriétaire etc.
Le laboratoire aura lieu à Magacin, centre culturel indépendant à Belgrade, en octobre 2012 et réunira dix auteurs proposés par les partenaires du projet « Special Issue ». Les résultats de la recherche seront publiés et distribués en tant que matériel informatif, performance ou exposition. Ou autre.
Marijana Cvetkovic // Station (extrait de Special Issue)