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WARM de David Bobee

Il fait très chaud quand on entre dans la salle avec notre petite bouteille d’eau pleine, il fait encore plus chaud quand on en sort avec notre petite bouteille d’eau vide. Le titre du spectacle en est-il pour autant expliqué ? Non : tout d’abord parce que ce titre est en anglais bien que David Bobée, le chorégraphe et metteur en scène, Ronan Chéneau, l’auteur du texte qui meuble l’espace sonore de la pièce, et les interprètes semblent bien français. Mais laissons là cette remarque mesquine qui pourrait me faire passer pour un puriste coincé du langage, alors que je suis « juste » sarcastique devant un emploi non-justifié de termes barbares ! Continuons donc. Si le titre Warm ne se dissout pas dans la chaleur de l’air, c’est parce que la chaleur est également dans le texte, textuellement (« chaleur sale, gluante », « on étouffe ») et sémantiquement (« caresse-moi », « rentre-lui profond dans la viande, c’est chaud à l’intérieur », « vous êtes des chiens », « défonce-moi »). Elle est aussi, explicitement, dans la danse : deux hommes se caressent, se touchent, se jètent l’un contre l’autre, mélangent la sueur de leur torse nu, simulent l’acte sexuel et ne se séparent que pour boire ou pour prendre de la magnésie. Mais laissons-là ces considérations qui pourraient me faire passer pour puritain coincé du cul, alors que je doute « juste » des capacités artistiques des deux éphèbes ! Certes, si je parle d’ « éphèbes », ce n’est pas qu’ironiquement : ils sont sans doute réellement beaux, certainement musclés à souhait, et il savent particulièrement le montrer. Mais la beauté n’est que plastique, et non pas dans la danse. Car, à vrai dire, il ne s’agit pas de danse, mais d’une performance acrobatique : les figures s’enchaînent, plus vertigineuses les unes que les autres, et de plus en plus scabreuses à mesure que la chaleur augmente, que les corps transpirent, que les respirations se font suffocations. À n’en pas douter, il s’agit d’une vraie performance de cirque, mieux, une performance de cirque belle. Mais c’est sans-doute tout. S’il y a indéniablement de la technique, il n’y a guère, à mon avis, la communication ( ?) avec les spectateurs qui aurait pu transformer cette technique en art. Si le ton de cet article peut paraître violent, sans doute gratuitement pour ceux qui n’ont pas vu le spectacle, c’est que Warm me semble gratuitement violent. Je ne dis pas « absolument » : il y a des spectacles bien plus violents dans leur contenu ou dans leur forme, mais, lorsque ceux-ci sont bons, on est amené émotionellement et intellectuellement à vivre cette violence et à l’endurer. Ce n’est pas le cas de ce spectacle : on est assis confortablement dans une chaleur moite, on est calme, on est bercé et séduit par la voix charmeuse de la comédienne qui récite le texte érotique de Chéneau, on est enveloppé dans une musique amélodique ; et l’on contemple une violence physique. Certes, on a peur de temps en temps, peur de voir les acrobates se casser la figure lorsqu’ils jouent à se lâcher dans les airs et à se rattraper. Mais cela relève d’un spectaculaire qu’on nous impose, comme celui qui nous est imposé dans certains mauvais films. On ne voyage pas, on ne pense pas. Aussi, lorsqu’on ressort, a-t-on cette agréable sensation d’avoir passé une heure dans un sauna-cinéma. N.A.

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